mercredi 9 janvier 2013

Des destinataires, ou pour qui est-ce que j'écris vraiment.

J'ai mis énormément de temps à me lancer dans un nouvel article pour ce blog, je m'en excuse. Non pas que j'en aie plus rien eu à faire, au contraire, mais plus le temps passe et plus je bloque sur les sujets que je devrais aborder. Je me creuse la cervelle à la recherche d'un thème intéressant, avec la sempiternelle question "Qu'est-ce qui peut intéresser mes lecteurs ?" bien en tête. Or cette question m'a laissé avec un grand vide, parce que je ne connais pas mes lecteurs. Mes stats m'apprennent bien que beaucoup de gens viennent piocher dans les images qui parsèment mes articles (la Tour Eiffel détruite / en flamme / en ruine / nuked étant toujours indétrônable !), mes commentaires me disent que quelques amis proches suivent mes articles, mais c'est bien tout. Cela m'a donc renvoyé à une autre question :

Pour qui écris-je ?

Mes textes, mais aussi le blog : Pour qui est-ce que j'écris tout ça ? A qui mon travail est-il destiné ?

Les romans eux-mêmes n'ayant été lu que par mes amis proches, on peut supposer que les articles les concernant, décrivant mes progrès, analysant le contenu, leur seraient donc destinés. Au départ, je pensais titiller la curiosité de potentiels lecteurs qui, s'ils apprécient le travail de fond, se tourneraient peut-être vers les romans. L'expérience m'a prouvé que cela ne fonctionnait pas (une chose bonne à savoir pour mes prochains projets). Est-ce parce que les romans sont trop longs ? Fort probable. Par conséquent, mes articles les plus potentiellement intéressants ne sont destinés qu'à ceux qui ont déjà lu - soit une phalange d'amis proches. Les autres passent leur chemin, n'étant pas concernés (ça au moins les statistiques sont assez claires).

Mais n'est-ce pas non plus à cause du format pernicieux des blogs ?

J'ai en effet constaté à quel point les blogs rendent les lecteurs fainéants. A un degré qui frôle la consternation. Les gens lisent et passent à autre chose, un véritable fast-food de l'information. Si c'est trop long, on ne lit pas. Si il y a des captcha, on ne poste pas de commentaire. Parfois-même, captcha ou non, commenter prend "trop de temps". J'ai même eu l'expérience (sur un autre projet) où quelqu'un m'a dit que les cases d'opinions (où il suffit de cliquer sur , par exemple "d'accord", "pas d'accord", "je m'abstiens"), sans code, sans rien, 'équivalent du "like" Facebook) ne l'intéressaient pas, qu'il préférait passer à autre chose. On lit, on part. Retient-on d'ailleurs vraiment quelque chose ? Quand quelqu'un vous dit personnellement "j'ai vu ton article, j'ai bien aimé", ne pensez-vous jamais "alors pourquoi tu ne l'a pas fait savoir sur le blog ?".

Je n'échappe pas à la règle, au sens où je ne poste pas partout, tout le temps. Il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse et se forcer à tout commenter, encore une fois façon Facebook. D'ailleurs, pourquoi les gens s'autorisent-ils plus d'oisiveté, en prenant le temps de répondre à tant de messages et de "liker" de tout les côtés, alors que sur un blog, on passe et on repart comme un voleur ? Je penche pour la longueur. Une image ou un une blague, on un coup de gueule bidon à base de "les politiciens tous les mêmes" sans avoir à mettre de véritable argument ni construire sa démonstration, semble apparemment plus attractif, plus encourageant au commentaire, et à la lecture elle-même.

J'en reviens donc à mon propos. Pour qui est-ce que j'écris ? Lorsque je tape sur mon clavier, je ne le nierai pas ce serait absurde, j'espère être lu. A fortiori quand j'écris mes textes mais cela vaut aussi pour mes articles. Mais je me suis alors demandé pourquoi c'était important pour moi. Mon propos mérite-t-il attention ? Ai-je quelque chose de différent à dire de ce que d'autres ont déjà dit, en mieux ? Prenons par exemple mes articles sur l'Europe (la vraie). Je me suis demandé si j'ajoutais quelque chose au débat, ou si je me contentais de ressasser des vieux trucs. Je me suis interrogé sur la pertinence de mes analyses, leur originalité, et force est de constater que si les gens ne sont pas intéressés, c'est peut-être que s'ils veulent lire un article sur l'Europe, ils préfèrent lire des gens "compétents" (ou disons dont c'est le "domaine de compétence", cela me semble plus correct). Ils vont lire des blogs du Monde.fr et le journaliste Machin, le MEP TrucMuche. Pas un illustre inconnu qui n'a pour seul bagage que sa bibliothèque. La magie d'Internet c'est de donner la parole à tout le monde; son effet pervers c'est d'avoir créé une cacophonie où tout le monde, son prétexte d'en avoir le droit, crie son opinion sur tout et rien, en déballant des platitudes. Ce n'est pas un mal en soi, de déballer des platitudes. Au moins le droit de s'exprimer est-il employé. Mais, trois fois mais... 

Ce concert chaotique de blogs, de sites, de réseaux sociaux, après avoir donné la parole à tout le monde, l'a noyée dans celle des autres, et au final, bien que tout le monde parle, personne n'écoute vraiment. Internet ressemble à une mer recouverte de bouteilles scellées qui s'entrechoquent avec la marée. Et quand certaines arrivent sur un rivage, et quand un promeneur prend la peine de les lire, il les referme bien souvent tout aussi vite qu'il l'a ouverte et la relance à flot. Après tout, des bouteilles, ce marcheur en voit des centaines, des milliers, et ne peut pas prendre le temps d'y répondre à toutes. Qui le blâmerait ?

Ma réponse me parvint donc ainsi : Je n'écris pour personne, du moins personne en particulier. Mes amis qui me suivent ici me suivent également en dehors, ce blog ne leur est pas destiné. Les autres sont des promeneurs qui ont, par hasard, ouvert ma bouteille, et y ont trouvé ce qu'ils avaient déjà trouvé dans des centaines d'autres bouteilles, et la relance donc à la mer (en ayant bien pris soin de conserver les vieilles photos jaunies que j'avais enroulées avec mon message, cela va sans dire). Je ne peux donc pas savoir ce qui pourrait "intéresser mes lecteurs", et comme je sais qu'ils ont d'autres chats à fouetter, je vais les laisser en paix - pour un moment. Je vais me concentrer sur l'écriture de nouvelles et autres et laisser ce blog se reposer un peu. Une sorte de coma artificiel, ou mieux encore, une cryogénisation.

Il reviendra quand la bouteille méritera la peine d'être ouverte, ça, c'est une promesse.