dimanche 29 avril 2012

De Mouvement Athée, ou comment la religion s’est finalement glissée dans Pax Europæ


Un petit message complémentaire suite à ma critique de l’Ange de l’Abîme de Pierre Bordage.

Dans la présentation de l’univers que j'avais écrite pour feu mon site-web, on pouvait lire cette phrase a priori anodine : « J’ai aboli la religion, d’une part parce que c’est un sujet dont je ne me pense pas encore prêt à développer, d’autre part parce que cela me donnait l’occasion de simplifier le contexte et donc d’éviter de me perdre dans ma démarche de réflexion. » Hé bien cette phrase, il a fallu la changer. Déjà parce qu'elle était grammaticalement bancale, mais surtout parce que j'ai fini par mettre les pieds dans le plat.

La religion a très longtemps été ignorée dans Pax EU, ou plutôt isolée, presque en quarantaine. En commençant à écrire, comme tous les ados de 16 ans j’avais des idées sur plein de choses et me sentais prêt à les coucher sur papier, mais la religion était un sujet par trop sensible, encore. Les années ont passé, les thèmes politiques et sociaux se sont affinés, durcis, noircis pour certains, mais approfondis, ça c’est certain. Et petit à petit, l’air de rien, ce thème tabou, cet inconfortable point Godwin, a fini par se glisser dans mes thématiques, à se poser comme un élément du background pour finir en élément quasi-central. Pas la religion en tant que tel, mais par réversion, comme souvent, à travers cette philosophie ultra-laïque et au final totalement anti-religieuse : Mouvement Athée. Prônant l’abolition des cultes et des croyances mystiques de tous bords, MA les rend responsables des conflits, guerres et divisions qui ont ensanglanté l’Histoire de l’Humanité. Pour vivre en paix, il faut s’en débarrasser. Et Mouvement Athée va s’y employer avec une minutie qui n’aura rien à envier aux fanatiques de sa Némésis.

Respect et tolérance face au fanatisme !
Pour résumer sans entrer trop dans les détails – vous avez peut-être envie de découvrir les détails par vous-même en lisant les textes ? – la thématique centrale de Mouvement Athée est de replacer nos erreurs dans un cadre humain et non institutionnel. Je voulais revenir à une idée essentielle de mes textes, à savoir que le bon et l’innommable de l’être humain proviennent de son humanité, et sont donc totalement de l’ordre de l’individuel, l’effet de groupe n’agissant qu’à l’instar d’un catalyseur. Pierre Bordage assène dans L’Ange de l’Abîme que l’homme est intrinsèquement bon, mais facilement corrompu par des facteurs extérieurs (politique, religion…), thématique biblique s’il en est – c’était un peu son but de se lancer dans une réécriture d’évangile, soit. Je refuse cela. L’homme n’est pas originellement bon, et la religion n’est pas ce qui lui fait commettre massacre et autres joyeusetés sanguinolentes, mais bien au contraire, l’homme est profondément capable du bon et du mauvais et s’invente l’excuse convenant au lieu et au moment pour arriver à ses fins – bonnes ou mauvaises. Religion et politiques en sont de bons exemples. Ce sont donc des outils au service de la nature humaine, et en supprimant l’aspect religieux du conflit mondial de 2033-34, je veux permettre d’explorer cette voie.

"Je me sens déjà meilleur, si, si !"
Mouvement Athée est la concrétisation d’une philosophie rampante, intolérante, qu’on peut déjà lire ou entendre autour de nous aujourd’hui. Une philosophie qui répond à un extrémisme religieux par un fanatisme pragmatique et scientifique ne laissant aucune place au doute, au questionnement, refuse le croyant comme on rejette un « infidèle » ou un « païen ». La religion de la raison scientifique versus l'obscurantisme obsolète et rétrograde. La racine de cette philosophie est la même que celle des islamistes ou des hystériques chrétiens de certaines églises américaines : Il faut un responsable de la décadence et des maux de la société, un Ennemi. Mais c’est également la racine de certaines mouvances politiques, de certains camarades de classe, de certains supporters d’équipes sportives… Ce besoin de blâmer un autre, ce bouc-émissaire, est universel, et ne dépend ni d’une foi, ni d’une couleur de peau ou d’une carte de membre. Il est humain, et c’est du côté de ces pulsions-là que le lecteur ira chercher les origines des conflits dans Pax Europæ. Dans le besoin d’avoir raison, de voir l’autre avoir tort, dans cette foi en ses convictions et l’aveuglement auquel il conduit. L’une de citations les plus redondantes dans tous les textes est celle de Jean de la Varende disant que « Le plus dur n’est pas de faire son devoir mais de savoir où il se place ». Tous les personnages sont convaincus d’être dans le vrai, le juste, le bon, et sont prêts à tout pour faire triompher le vrai, le juste et le bon. Nous en faisons tous autant, au quotidien, certains allant plus loin que d’autres. Nous peinons tous à admettre nos erreurs, mais c’est humain. Les erreurs peuvent être collectives, mais leurs racines sont personnelles. Mouvement Athée retire aux Grands Blocs de mon univers l’excuse religieuse, ce fanatisme irrationnel, relique barbare des temps passés qui n’a cessé de nous diviser. Sont-ils pour autant entrés dans une ère de paix et de prospérité ?

Non. Car nous avons encore plein d’autres excuses.

jeudi 26 avril 2012

L’Ange de l’Abîme de Pierre Bordage, ou votez Mouvement Athée


On va peut-être m’accuser de tirer la couverture à moi comme un narcissique compulsif, mais ma critique va probablement finir en comparatif avec Pax Europæ comme pour Aachen. Ne me jetez pas la pierre, s’il vous plaît. Je n’étais pas parti pour ça, j’imaginais un article purement centré sur le roman de Bordage, mais à la lecture, j’ai été à la fois surpris et choqué. De très bonnes choses ont été révélées, d’autres bien moins plaisantes, et d’autres, enfin, ne pouvaient que me pousser à développer un thème de Pax EU qui est LE thème de « L’Ange de l’Abîme » : La religion et son revers fanatique.

Avant toute chose un petit résumé. L’Europe est unie dans un futur assez proche, unie dans sa chrétienté retrouvée sous la régence l’Archange Michel, héros libérateur qui a arraché la mauvaise herbe islamique du jardin d’Eden européen. Il tire ouvertement les ficelles du gouvernement européen et mène le continent d’une main dans fer dans sa croisade contre la Grande Nation de l’Islam, dont il a repoussé l’invasion et qu’il retient au-delà du Front Est. Mais la guerre s’éternise et vide l’Europe de ses forces vives. Dans ses villes exsangues, les populations subissent les bombardements constants, les orphelins sont jetés à la rue et au désespoir, survivant comme ils peuvent face aux bandes de sans-abris, aux fous cannibales, et aux bons chrétiens jamais avares en délation. Dans cette Europe apocalyptique, Pibe et Stef, deux de ces orphelins, font un bout de chemin ensemble vers l’Est pour rencontrer cet énigmatique héros et boucher, l’Archange Michel, qui se terre dans sa forteresse des Carpates…

YEAH ! Une Europe apocalyptique, une vision du continent politiquement unie sous une férule religieuse, une croisade, un voyage initiatique, Pierre Bordage, que de promesses alléchantes mes bons amis ! Presque trop beau pour être vrai et… bel et bien trop beau pour être vrai. Je suis très divisé sur ce roman, qui m’a pas mal déçu. Autant « Wang » est pour moi vraiment excellent (avec certaines réflexions similaires sur la xénophobie, le déni de l’homme, l’exploitation humaine, etc.), autant là, Bordage en fait trop, il perd en nuance, il fait ce que j’espérais ne pas lire : Du manichéisme. Oh, j’entends déjà les fans du monsieur qui me crieront que c’est tout le contraire et que j’ai rien compris, mais objectivement, les théories défendues m’ont arraché des « p-pardon ? ». C’est rarement bon signe.

Avant de démarrer le gros du sujet, expédions les points forts et faibles généraux. J’ai aimé les descriptions de l’Europe ruinée et au bord du gouffre, les ruines, la corruption, les gens. Le roman fonctionne à deux vitesses, avec un axe central, Pibe et Stef, autour duquel gravite une myriade d’histoires courtes plus ou moins reliées entre elles qui pavent le chemin à l’histoire principale. Ces histoires tournant autour d’un personnage tertiaire sont très courtes (un chapitre en général) mais sont excellentes dans l’ensemble, posent parfaitement l’ambiance, creusent les détails, mettent en relief, et soulignent la petitesse des gens. Certains de ces persos n’ont même pas de nom, mais nous plongent dans le quotidien de l’Europe de l’Archange Michel. C’est un énorme plus, qui à lui seul ne me fait pas regretter ma lecture. Mais bon sang, que de défauts ! Une utilisation des acronymes à l’excès, très maladroitement expliqués. Du planplan pur et simple ! « Ils prirent le TGV, le train à grande vitesse, et se rendirent au marché de Noël de Strasbourg » (exemple fictif). Quoi ?? Le « meilleur auteur de SF Français » ne peut pas faire mieux ? Presque tous les acronymes sont platement exposés de cette façon, avec une lourdeur que leur nombre incalculable ne fait que renforcer… Autre problème : L’excès de cul. Du cul du cul du cul, Bordage ne sait plus s’arrêter et j’ai souvent eu du mal à voir l’intérêt de ces scènes/références-là, même pour une œuvre française. On tombe parfois dans la gratuité, et le cul gratuit à la HBO, non merci. Le franco-centrisme mal justifié. Tout du long, tout le monde a un rapport avec la France ou parle Français. Wunderbar ! Presqu’à la fin on nous révèle que l’Archange en a fait sa langue officielle (de quoi ? l’Europe ? de sa Légion ? Plus loin encore on nous parle d’un débat pour une langue unique en Europe… WTF, un peu de cohérence !). Mais le pire étant le pourquoi. Pourquoi un néo-fasciste des Carpates imposerait-il le Français à l’Europe, faisant crever de jalousie l’Axe Anglo-Hollando-Allemand ? Parce qu’il est francophile, comme tout bon roumain qui se respecte.
Sponsor officiel de l'Europe Unie de l'Archange Michel.

Non, je ne plaisante pas, voilà comment il explique ce Deus Ex Machina du Français partout (alors qu’en voyageant un peu en Europe, on se rend compte que, euh, il faudrait effectivement un miracle). Dans le genre, il y a un autre élément d’intrigue un peu spoiler qui, si vous souhaitez lire le livre, est préférable d’éviter (sautez au paragraphe suivant). Stef, de son doux surnom Fesse, est une jeune fille de 16 ans mystérieuse et superbe (tout le monde essaye de se la faire, littéralement tout le monde), avec des réactions et des réflexes quasi-surnaturels. En fait, arrivé à la fin du livre, il est pratiquement évident qu’elle est bel et bien un ange, un vrai. Et puis au final, non. Juste une gamine très très très très douée. QUOI ? Désolé mais non. J’ai pratiquement eu le sentiment d’entendre la pensée de Bordage au moment où il changeait d’avis sur le perso en cours de rédaction de la scène finale : « Merde, je dis que la religion c’est de la merde mais en même temps mon héroïne est une référence biblico-coranique. Je peux pas conclure comme ça… Bon, et si c’était juste une illuminée capable de retrouver les gens d’instinct où qu’ils soient, de bouger plus vite que la lumière et de pratiquement voir dans le noir – ah, et de prédire les évènements avant qu’ils n’arrivent, en plus de vraiment tout savoir sur ce qu’elle ne devrait pas pouvoir avoir la moindre idée. Ça passera sans doute mieux. » Mon avis est que non, ça ne passe pas du tout. Même le baratin mystico-philosophico spirituel ne parvient pas à expliquer la moitié des effets « surnaturels » qu’il nous laisse entrevoir.

Reprenons sans spoiler. Le roman baigne dans une quête philosophique pour se débarrasser des émotions et des sentiments, le tout avec des intros de chapitres tirés, par exemple, du Bhagavad-Gîtâ. Subtil, Pierre, je vois pas du tout où tu veux en venir. Les trois religions monothéistes sont littéralement conspuées au point que la lecture en deviendrait certainement insultante pour un croyant. Pas un seul personnage pour contrebalancer cette vision des religions n’offrant pour seul perspective que division, haine et querelle.  Des anecdotes lointaines, peut-être, pas un seul bonhomme qui incarnerait cette vision positive dans l’histoire. Tous pourris, ces fanatiques. D’un autre côté, Stef incarne cette philosophie et cette sagesse orientale détachée et sereine, et l’on a droit – à deux reprises ! – à une argumentation qui m’a arraché mon plus gros «Wie bitte ?? » : La Religion ne conduit qu’à la guerre, et si l’on veut empêcher les guerres dans le futur, il faut se débarasser des religions.

La doctrine de Mouvement Athée dans Pax Europæ.

Et contrairement aux pro-religion, cette théorie n’est pas défendue par des ploucs, des consanguins, des corrompus, des hypocrites, des pédophiles, et toute la fange européenne présentée au cours des quasi 500 pages, mais par deux roublards paisibles aux yeux remplis de sagesse. Stef ne leur répliquera que pour dire qu’en plus de la religion, il faut supprimer la politique et l’Histoire. Et là, j’ai l’impression de me faire laver le cerveau par Ravachol. Après ce gros manque de nuance, une Europe qui ressemble toujours à la France avec quelques clichés locaux, et maintenant le pamphlet anarchiste par-dessus… J’ai envie de crier le mot de Cambronne et de relire Wang pour vérifier si mon cerveau ne m’a pas trahi à ma première lecture de M. Bordage ! Alors qu’il est réputé pour décrypter l’âme humaine avec brio, son analyse de ce qui conduit l’homme à commettre ses méfaits est à mon sens naïve, au mieux, frauduleuse, plus exactement. Devenez hindouiste anarchiste et la paix régnera sur la terre ? Vraiment ? C’est ça la conclusion de la quête existentielle de Pibe et Stef ? Pfiou, tout ça pour ça… En fait, l’Ange de l’Abîme pourrait parfaitement exister dans l’univers de Pax EU et y être considéré comme le roman culte des membres de Mouvement Athée. On oublie la nature humaine, et on accuse les structures. On oublie la maladie et on dénonce les symptômes.

Les Croisades (XXIème siècle) (Il paraît)
Et c’est tellement dommage ! Le contexte tellement bien décris et l’opposition Europe Chrétienne VS Grande Nation de l’Islam aurait pu être tellement mieux traitée… Cette extrapolation post-11 Septembre prend le partie de nous montrer notre Union se vautrant dans ses « racines chrétiennes » et son passé nauséabond, ne nous épargnant pas les camps pour « ousamas » et les fours crématoires (la description du camp d’extermination pour musulmans est excellente). Cependant il manque longtemps l’élément qui parvient à crédibiliser ce retour subit et violent. Et c’est vers la toute fin du livre que le twist survient et explique tout. Un peu trop bien, un peu trop souvent. Bordage semble désespéré à l’idée qu’on ne comprenne pas son background et nous l’assène à grand coup de répétitions de longues infos déjà données auparavant. Quand la fameuse « faillite des OGM » du quatrième de couverture, censée avoir ruiné l’Europe, est expédiée en deux phrases, le twist/grand plan est répété à l’envie dans les dernières dizaines de pages avec une lourdeur soudaine – jusque-là l’intrigue filait plutôt bien. Mais parlons-en, de ce twist, dans un paragraphe spoiler que vous pouvez sauter si vous le désirez.

Qui a permis à l’Archange de former ses légions en Europe de l’Est ? Qui lui a permis de prendre le contrôle de l’Europe ? Qui a permis à la Grande Nation de l’Islam de se former ? Qui a dirigé sa colère sur le Grand Satan Européen ? Qui tire les ficelles de tout le monde pour affaiblir tout le monde et se pointer en sauveur ? USA, of course. Oui, les grand méchants, ce sont les Américains qui nous montent les uns contre les autres et, cela va sans dire, manipulent l’Archange et donc le gouvernement européen. Si j’ai apprécié le développement sur le Chaos Fécond qui permet aux US de se maintenir au sommet de la chaîne alimentaire, le coup des Chinois du FBI, c’était un peu de trop (je précise à tout hasard que c’est une formule de style, hein, il n’y a pas littéralement des Chinois du FBI). Mêlant kabbale, complots et théories philosophico-orientales, Pierre Bordage nous amène dans les méandres douteux du conspirationnisme : Les ricains sont partout, savent tout, voient tout, font et défont tout. Heureusement il nous dispense gracieusement des Annunakis, merci beaucoup.

Bref, grosse déception au niveau du contenu, du message, même si la forme reste très bonne, le style agréable quand le cul n’est pas gratuit. Je regretterai que le voyage vers l’Est ne constitue finalement que si peu de pages (plus de deux tiers du roman se passent en France… pour se rendre en Moldavie…), mais la quête, elle, est fort bien rendu – qu’on adhère avec le concept ou pas, il faut lui laisser ça ! Des livres à lire sur ma liste des fictions décrivant une future Europe unie, c’était ma plus grosse attente, j’avais peut-être trop attendu de ce roman-là parce que Bordage, parce que Wang.

Je suis Ravachol, et j'approuve ce roman !
Avant de conclure, petit résumé des éléments d’une Europe unie, comparé à Pax EU :

Les anciens pays sont également appelés « régions », mais pas comme dans Aachen ou Pax EU, « Région Française », mais bel et bien « France ». Le mot région étant seulement utilisé dans certaines phrases pour remplacer « pays ». La monnaie unique reste l’Euro, la langue dominante est le Français mais on évoque l’instauration d’une langue commune (aucun développement sur sa forme, sa structure, ses « origines » etc. Rien ne semble confirmer ou infirmer une langue semblable à mon Européos, en fait Bordage s’en fout complètement ce n’est pas son propos), il y a un gouvernement à Bruxelles, et le parlement existe toujours (on reste dans un modèle semblable à l’UE). L’armée européenne n’est pas une armée d’Etat comme l’Eurocorps chez moi, c’est la Légion de l’Archange, en gros une titanesque milice privée, uniformes fascistes noirs comme il se doit. Quand à la guerre, elle est complètement calquée sur la guerre de 14, mais ça, au moins, c’est justifié par l'intrigue.

En fait, faut-il le préciser, l’Europe Unie n’est en fait pas un si grand élément que ça. Les enjeux sociaux et politiques de la construction européenne sont ici absents, car les thèmes sont l’affrontement religieux, l’extrémisme, le retour à une chrétienté bigote en réponse à l’Islamisme, et la manipulation des masses par la foi. Le reste n’est que décorum. D’ailleurs, comme je le relevais plus haut, même dans les Balkans je n’ai pas l’impression d’être sorti de France. L’Ange de l’Abîme ne cherche pas à parler d’Europe, il parle de chrétiens, ou pour être plus précis, de catholiques. Son modèle jure totalement avec ce que donnerait une Europe Protestante, par exemple, mais là encore la subtilité et les nuances n’ont pas leur place. Même la montée de l’extrême droite est mal exploitée ici, puisqu’elle repose sur un soutien étranger qui souffle sur les braises, alors que dans ce domaine, le danger qui nous guette en Europe vient bel et bien de l’intérieur. Si les réflexions sur les religions sont profondes, le reste est définitivement superficiel.

Ah, et contrairement à Wang, les geeks libertaires n’ont plus le beau rôle, mais ils sont toujours laids ! (Sales et puants, malingres avec des yeux de lémuriens. Qu’on se le dise !)



PS : Si un fan de Pierre Bordage traîne par ici et souhaite m'expliquer ce que j'ai peut-être mal compris, je suis prêt à en débattre.

mardi 17 avril 2012

Des limites de caractères, ou pourquoi j’aime pas les AT

Le meilleur moyen de se faire connaître, de se perfectionner en se frottant aux critiques et à la réécriture, d’être bêta-lu par des gens anonymes et neutres et surtout de sonder le lectorat potentiel, c’est de répondre aux appels à textes. Il n’y a pas de secret ! Un thème donné, OK, faites votre choix c’est pas ça qui manque. Une date limite, OK, ça structure le planning d’écriture, c’est parfait. Une limite de caractères, OK, ça… euh…  ça… en fait non, pas OK.

J’expédie d’emblée les arguments pleins de bon sens histoire de bien souligner que j’en ai conscience : Les textes sont destinés à des recueils, il faut les corriger, longueur veut aussi dire temps fou à lire avant acceptation et re-travail monstrueux en perspective, blablabla. Sans parler du garde-fou qui permet à l’auteur de ne pas partir dans 36 000 tiroirs. Cela l’aide à aller à l’essentiel, être percutant, cela exige rigueur et précision, auteur d’élite ! Seulement voilà, la procrastination caractérielle (ça se dit peut-être pas en société mais je tolère cette expression sur mon propre blog, c’est moi le patron aux dernières nouvelles), ça me frustre, et quand je suis frustré, je peux pas écrire. C’est terrible.

Les Appels à Textes, pour moi, c’est l’horreur. Non seulement les thèmes imposés m’inspirent souvent des choses peu intéressantes et originales, mais également, et c’est encore pire, ils m’inspirent tellement que je me sens lancé dans de grands développements que je ne peux pas me permettre. Les limites de caractères ne me structurent pas, elles me déstructurent en me coupant ma créativité en plein élan. Même les AT qui m’inspirent, j’arrive trop peu souvent à pondre quoi que ce soit parce que la limite tic et tac dans ma tête, chaque frappe sur le clavier sonne comme un « -1 » inexorable, m’entraînant inéluctablement vers le terrible 0. Plus de place, faut couper. RAAAH !
Tic Tac, c'est la Doomsday Clock ! As-tu remarqué qu'il ne te restait plus que 170 caractères... espaces incluses ? NIAHAHA !!

Dans ces cas-là, je laisse souvent tomber, car je veux faire de l’écriture-plaisir, et charcuter mes textes à l’arrache pour respecter des deadlines quand le thème m’a à peine convaincu ou que j’ai l’impression de devoir résumer une bonne histoire à un haïku, c’est pas du plaisir. Quand je sens que les développements vont me procurer un plaisir d’écriture certain, je laisse tomber l’AT et j’intègre le développement dans un autre projet, plus perso et plus libre. C’est cool pour les dits-projets, un peu moins pour ma présence dans le paysage SFFF. J’admire la ténacité de Kevin Kiffer qui continue d’envoyer – avec un certain succès – aux AT (deux de ses nouvelles sont au menu du nouveau Mots & Légendes, faites-vous plaisir !). On parle déjà de lui, il est présent, et ses parutions en AT payent. Moi, j’y arrive peu ou prou, du coup, je reste inconnu au bataillon. Deux publications en webzine jusqu’ici, et une troisième à venir (dans le même webzine), et c’est bien tout. Il faut dire que la limite de caractères que Kaliom impose dans ses AT est fort honorable et me permet de m’exprimer à mon aise.

Alors certes cette absence d’auto-promo est handicapante, mais c’est surtout qu’en cherchant les raisons de cet échec je me demande s’il s’agit simplement d’une question de goût et de style ou d’un gros manque de rigueur. Certaines personnes n’arrivent pas à sortir du format nouvelle, je peine à y entrer. Que n’entends-je les vannes de mes bêta-lecteurs sur mes « nouvelles » de 80 pages. D’ailleurs, plus je me fixe un objectif de concision, moins je l’atteins, alors que quand je m’en fous totalement et que je pose l’histoire que j’ai en tête sans me triturer la cervelle sur le nombre de pages/chapitres, il m’arrive de faire très court.

L'Espoir meurt le dernier, illustration Yvan Villeneuve
Mais attention ! Il m’est aussi arrivé de me flageller pour apprendre la discipline ! Pour l’AT « Un combat sans espoir » (Mots & Légendes n°1), mon premier AT, j’ai commencé à partir vers un texte bien trop long, mais j’avais beaucoup aimé l’écrire et je tenais à tenter ma chance, et me suis donc résous à couper et réécrire la fin. Dans la version originale du texte (« L’Espoir meurt le dernier », où l’on suit deux groupes distincts de combattants), on devait voir ces deux groupes se retrouver au dernier hélicoptère évacuant la zone de guerre et voir l’un des groupes sans remord piétiner l’autre pour s’enfuir, laissant au lecteur qui aura suivi les deux équipes le soin de se demander qui aurait mérité, ou pas, d’embarquer, ou même si quelqu’un le méritait plus qu’un autre. Mais j’avais besoin de couper, et trancher dans le développement de persos pour sauver cette fin aurait eu l’effet pervers de la saboter en retirant l’attachement du lecteur qui n’en aurait plus grand-chose à faire du questionnement moral (C’est là que j’ai poussé mon premier « Je hais cette foutue limiiiteeeuh !!! Raaah ! » et autres onomatopées rageuses). Du coup j’ai opté pour une fin plus courte, plus abrupte – mais aussi plus ouverte. En suivant les persos au travers de leur calvaire pour en arrivant à cette fin, un échec total, une déroute, l’accent est détourné sur le sentiment d’inutilité, de vide qui habite les Européens alors que la guerre semble presque perdue. Finalement, l’aspect moral est mis entre parenthèse au profit de l’aspect purement émotionnel. C’est pourquoi, pour moi, « L’Espoir meurt le dernier » est une nouvelle d’ambiance avant tout. (En plus d’être un texte Pax Europæ qui développe un aspect de la guerre laissé de côté dans le tome 6, à savoir la campagne de la Région Anglaise, mais qui aura un certain impact sur les tomes 7 et 8)

Malheureusement, pas mal d’essais pour des AT sont passés à la trappe faute de pouvoir m’exprimer librement – ou pour être précis, faut d’en avoir le sentiment. Souvent la place allouée suffit, même si certains abusent, c’est donc purement psychologique. Toutefois, et de manière inexplicable, des progrès considérables ont été faits ! Lorsque j’ai coupé mes tomes pour en faire une octalogie aux tomes moins massifs, et qu’il m’a fallu entrer dans la phase de réécriture/ajouts, on m’a dit « essaye de ne pas dépasser 150 pages par tome. » WOW ! Tu te rends compte que ça fait HUIT limites de pages à respecter ?? Ça va être l’horreur !

Et bien figurez-vous que j’en suis à la relecture du tome 5, et qu’à quelques pages de présentation près, je m’y tiens !

Je m’épate moi-même.




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