samedi 8 novembre 2008

D'une Europe dystopique (Ou pourquoi j'ai choisi l'un des pires avenirs possibles)

En européiste convaincu, j'avais deux solutions si je souhaitais décrire les Etats-Unis d'Europe. La première, raconter une utopie où j'étalerais l'Europe parfaite telle que j'en rêve et la faire rayonner dans le texte comme le symbole d'avenir heureux qu'elle doit inspirer au monde, et j'aurais pondu... un texte de propagande reaganien, mais à la sauce européenne. Les Etats-Unis ( d'Europe ) lumière du monde sauvant la planète de la tyrannie et de la guerre nucléaire. Bof. L'autre solution c'était de montrer ce que je ne voulais pas voir devenir l'Union Européenne en tant qu'hégémonie et là, ça devient de suite plus intéressant.

Le drapeau des E.U.E. vu par les Défédératistes.

Les Etats-Unis d'Europe ne sont donc pas qu'une simple transposition des USA dans le futur "les noms des personnages ont été modifiés pour préserver leur anonymat". Évidemment, y a de ça. Et pour cause, l'hégémonie que j'ai eu le plaisir de côtoyer le plus, c'est les USA, et ce dans un contexte post 11/09 et en pleine "guerre contre le terrorisme". C'est d'ailleurs ce principe de guerre non-conventionnelle qui déclenche la vraie guerre de PaxEU, celle contre le terrorisme slaviste. Nier le parallèle serait absurde, mais dans l'idée, les EUE devaient être plus que cela. L'Amérique et l'Europe ne peuvent être traitées de la même façon, et moi ce qui m'intéressait, c'était bel et bien l'Europe. Je voulais pousser tous les vices de sa construction jusqu'à la limite de la caricature, accentuer certains traits, tout en faisant de cette superpuissance une allégorie de l'hégémonie en générale. De l'hégémonie décadente, pour être plus précis.


En 2033, les jours dorés des EUE sont déjà loin. Le système décline sous la pression du terrorisme à l'extérieur, et du défédératisme à l'intérieur. Le statut d'hégémonie, de première superpuissance a conduit l'Europe a colporter une image de confort, de richesse et de bien être grâce à la supériorité et à la modernité de son système, de son économie, de sa culture. Pour les peuples qu'elle méprise du haut de son piédestal, elle représente le rêve grillagé, inaccessible, et attire plus la rancœur que l'espérance. A ce stade de son nihilisme économique vis à vis de la Slavie, elle ne représente même plus le "rêve européen" mais bien le "despotisme européen", la Fédération a franchi la limite aux yeux des Indépendants. Sa grandeur auto-entretenue ne fait plus rêver, elle fait peur. Pour les européens eux-même, ce confort semble si naturel qu'il leur paraît légitime et hors de propos de remettre en question, causant une banalisation. Cette banalisation, nous la connaissons déjà, nous, dans l'Union Européenne : plus de 60 ans de paix en Europe, pas de grosse crise catastrophique ( je sais, on y vient ^^ )... Je m'explique :


Pour nous, ce statut de continent pacifique est un acquis qui semble inébranlable et absolument... normal. Rappelons-nous que l'Europe ( à dimension de l'UE actuelle ) n'a JAMAIS connu une période paix aussi longue. Alors est-ce si normal que ça ? Au vu de son histoire, cette parenthèse paisible fait presque office d'accident de parcours ! Mais qui oserait imaginer aujourd'hui une guerre entre France et Allemagne ? Ou entre la suède et la Pologne ? Ridicule, non ? Mais d'un autre côté, observons la carte de l'UE actuelle et son expansion récente ( excusez-moi, élargissement ^^ ), les Balkans y sont presque intégrés - et le reste ne tardera pas (Edit. 2015 : depuis la rédaction de cet article, la Croatie a été intégrée). Pourtant, et malgré le tourisme fleurissant, qui oserait s'aventurer à prétendre que les troubles inter-religieux et inter-raciaux sont résolus dans la région ? La guerre du Kosovo ( même pas 10 ans de cela, et avec un beau génocide à la clef ) est encore fraîche dans les mémoire, et les touristes en Ex-Yougoslavie aurons sans peine noté qu'il vaut mieux éviter les ballades en forêts, encore minées pour la plupart... Nous vivons sur une illusion de stabilité persistante et auto-entretenue par le fait l'union économique est si forte qu'elle empêche tout conflit. C'est certes le cas en Europe de l'Ouest ( et c'était le but de la CECA ), mais en est-on si certain dans les pays de l'Est fraîchement arrivés dont le retard économique profond a introduit un gouffre monumental d'inégalité entre les pays membres ? Le fonctionnement dans les pays fortement industrialisés de l'Ouest a fait croire à tout le monde que l'élargissement était d'une part une priorité mais en plus d'une grande simplicité. Faux ! Et Nous commençons seulement a subir les conséquences d'un élargissement trop rapide qui n'a pas pris le temps d'intégrer correctement les nouveaux venus au fur et à mesure. (Edit. 2015 : depuis il y a aussi eu la Crise Grecque qui cristallise le problème que j'évoquais alors)


Fis de digression, j'en reviens à l'idée que notre système européen nous paraît solide et la stabilité de notre mode de vie semble aller de soit. Et lorsque c'est le cas de n'importe quel système, où qu'il se trouve, c'est la porte ouverte à ceux qui crachent dans la soupe. Nés dans le confort bienheureux du hasard, certains pensent qu'ils sont plus malins que tous les autres avant eux et qu'ils peuvent revenir en arrière sans commettre les erreur de leurs aïeux, que c'était mieux aaavaaaaant et qu'on se demande bien pourquoi on en est pas resté là. Se pose alors deux principes :


Soit ils ont raison, le système est mal engagé et part dans le mur, ils tentent donc tout pour le supprimer et le transformer d'une façon ou d'une autre et réussissent parfois à redresser la barre. En général on appelle ça une révolution.


Soit ils ont tort, ils foutent en l'air tous les efforts de leurs ancêtres et se rendent compte trop tard qu'ils ont tout fait foiré et que c'est pire. En général on appelle ça aussi une révolution.


Comment savoir ? Chacun a ses propres convictions. Aujourd'hui, les eurosceptiques critiquent l'Euro, l'Espace Schengen, Maastricht, le calibrage des tomates par Bruxelle... Ont-ils raison, ont-ils tort ? Facile de critiquer quand on a connu que la paix et une relative prospérité, se dit-on. Alors pour bien montrer l'ambiguïté du problème j'ai poussé le vice jusqu'au bout : Les Défédératistes. Véritable pourrissement de la société Unie et Fraternelle telle que l'envisage le gouvernement, les défés' sont à la fois le symbole de la régression ( retour aux pays indépendants ) et de la lucidité face à la chute du système. Ils vivent dans l'Etat le plus riche et le plus développé de la planète, mais cela leur est tellement commun qu'ils ne perçoivent que les mauvais aspects de leur société et sont prêt à tout sacrifier dans leur ignorance de ce que cela va réellement leur coûter. Pour autant, sont-ils simplement ingrats vis-à-vis de leur "chance" de ne pas vivre en Slavie à espérer les miettes d'une nation arrogante, ou conscients de participer contre leur gré à cette arrogance, et donc décidés à y mettre fin ? Ils sont à la fois en position de rejet du mode de vie qu'ils ont le privilège "de naissance" de partager et du rejet des aberrations qui vont avec. Le complot K est là pour prouver qu'ils n'ont pas tort, Erwin et sa foi en l'Europe sont là pour prouver qu'ils n'ont pas raison.


Les EUE, sans être totalitaires, sont un Etat policier et qui se militarise jusqu'à la Loi Martiale. Pour autant, le Parlement n'est jamais dissout et garde tout son pouvoir : ce n'est donc pas à proprement parler une dictature.


De plus, et les tomes 7 et 8 le développeront amplement, au nihilisme défédératiste va s'opposer l'ultra-fédéralisme. Alors que la société sombre et que les partisans du changement commencent à se faire entendre, le mouvement inverse se créé automatiquement : les réactionnaires, qui eux sont tellement conscients de ce qu'ils ont acquis et du risque de le perdre qu'ils deviennent hostiles à tout changement, aussi infime soit-il, et s'enferment dans des lois et des traditions qui les condamnent à sombrer avec elles. L'Europe dystopique est un moyen de disséquer les deux extrêmes de la société, ce qu'un système politique parfait n'aurait pas permis. Cette opposition a déjà cours aujourd'hui alors que certains pays refusent l'Euro, ou Schengen, ou le drapeau européen, etc. Ont-ils raison, ont-ils tort ? Encore une fois, à chacun de se poser la question. La seconde question serait : Ont-ils raison pour tout ? Ont-ils tort pour tout ? Le réel avenir n'est-il pas dans les compromis réciproques ?


Cette frontière floue entre Europe fédérale triomphante et Europe policière décadente est mille fois plus intéressante à traiter qu'une Europe utopique modèle du monde moderne, où tout le peuple serait d'accord pour dire qu'il est heureux. Je m'amuse donc à trouver des exemples absurdes de cette ambivalence utopie/dystopie, comme la Peine de Mort par référendum.


Ainsi, la dystopie européenne de Pax Europæ me permet d'opposer les acquis d'une nation prospère et pacifique à qui rien ne manque, à un Etat autoritaire et décadent, car cet autoritarisme et ce pourrissement intérieur sont le fruit de l'Âge d'Or qui a endormi les consciences et bercé la jeunesse d'illusions brillantes.

samedi 1 novembre 2008

Des clichés dans Carnet de Guerre ( ou pourquoi il y a certaines ficelles à respecter )

Pour rebondir sur le commentaire de Mierin, un tout petit post sur l'utilisation des clichés, poncifs et autres ficelles scénaristiques classiques. Parce que PaxEU, ça reste un récit de guerre et comme tous les récits de ce genre y a quelques trucs qui DOIVENT revenir, à mon sens, quitte à faire grimacer le lecteur qui se dit "Aaah, bah tiens, comme d'habitude !". Deux exemples importants et ultra-classiques.

Le premier cliché qui est en fait devenu une règle à part entière, c'est le coup du soldat qui sort une photo de sa copine juste avant la bataille et dit à ses potes : "Regardez, elle est enceinte alors on va se marier et s'acheter une petite maison dans la prairie à côté des Ingalls on élèvera des moutons et des chiens et je cultiverai des tomates jusqu'à la fin de mes jours heureux et paisibles, à 90 ans". Là, vous pouvez être sûr que le type, dans 20 pages / 10 minutes, il est mort ^^. C'est évidemment une grosse ficelle - que dis-je, un câble, un treuil ! - pour rendre le bougre sympathique afin de rendre sa mort tragique et inconsolable pour le lecteur, utilisée en général parce qu'on a pas pu/voulu développer le perso avant et qu'on aimerait que sa mort ne passe pas complètement inaperçue. Tous les films de guerre jouent dessus (le Soldat Ryan l'utilise d'ailleurs sans vergogne), à tel point que dans nos parties de jeu de rôle, quand on commençait à avoir la lose y en avait toujours un pour dire "Hé, tiens, je vous avais déjà montré la photo de ma copine ?" et l'autre de répondre : "Arrête, merde, ça porte malheur !!".

Nous avons donc affaire à une vraie superstition : parler de sa famille/copine juste avant de partir au combat, ça apporte le mauvais œil. Alors, telle la marque noire des pirates, l'échelle de tout un chacun, la femme à bord des marins, les chats noirs et autres conneries, le soldat a-t-il la poisse avec ce phénomène. Il était donc normal que j'use de ce procédé au moins une fois, et je ne m'en suis pas privé, sous divers angles d'attaques. Aussi, si la discussion entre Gaël et Christophe sur leur mère alors qu'ils font leur courrier vous paraît suspecte, vous ne rêvez pas, j'annonce la page nécrologique.

L'autre élément scénaristique essentiel d'un texte comme Carnet de Guerre, c'est le méchant increvable. Il doit passer pour mort et revenir au moins une fois à la grande stupéfaction de tous - sauf du lecteur, bien entendu. Après, il y a increvable et increvable. L'Agent Smith est increvable, il revient après avoir soi-disant disparu dans le un puis est éliminé pour deux bon la deuxième fois. Jason le tueur psychopathe masqué, est increvable, il revient 10 fois (sisi, Jason X existe, et ça n'a rien de porno) plus une onzième pour affronter Freddy, autre génie de l'increvabilité, il revient même dans l'espace après avoir été cryogénisé (sisi, dans Jason X justement). Il y a une différence entre les deux, saurez-vous la distinguer ?

L'Archange est donc le traître increvable qui survit aux flammes de l'enfer, certes, il revient d'entre les morts MAIS je ne pousse pas mémé dans les orties, une fois ça suffit. Donc gros spoiler : NON, l'Archange ne sera pas dans le tome 4. Dommage, hein ? Alors pourquoi l'avoir mis ? Pourquoi ne pas avoir sorti d'autres méchants ? Parce qu'il en faut au moins un, c'est comme ça. Notons que c'est le seul, et que peu de gens sortent du coma dans CdG...

N'oublions pas l'instructeur sadique ! Que serait les scènes de caserne sans l'instructeur sadique ? J'en montre deux facettes dans le texte : le sadique sympatoche qui finalement gueule fort mais ne mort pas (cf : l'instructeur Miguel exagérant face à l'"observateur" américain - clin d’œil personnel à full Metal Jacket mais discret puisque sans le langage coloré), et le vrai sadique pervers, côté slaviste, qui harcèle Youri tout du long et tue quelques types à l'entraînement et par "accidents" (notons que l'instructeur est là encore étranger, puisqu'il est... Européen). On est toujours plus chiant à l'étranger, même si on s'en rend pas compte.

Cela dit, et contrairement au sergent de "Furies" qui est là "pour le fun", l'exemple de Cooper n'est pas totalement gratuit. A travers l'image de cet européen félon, on peut voir l'image du militarisme à l'excès de l'Eurocorps (version PaxEU, j'entends) poussé jusqu'au bout et sans la bride qui habite encore les EUE. Je pense que Cooper fait relativiser le militarisme autoritaire que vivent Erwin et ses amis lors de leurs entraînements éreintants, tels qu'on peut les voir clairement dans "Les Etoiles et la Rose des Vents" où l'instructeur attend de ses hommes qu'ils dépassent leur condition pour devenir des surhommes, des machines. Cooper, c'est la machine de guerre rigoureuse poussée à sa pire extrémité, jusqu'à la folie. Finalement, des fous de guerre, il n'y en a pas tant que ça, même Peterson n'est pas dingue. Cooper lui, c'est l'absurdité, la violence pour la violence. En faire un mercenaire montre bien qu'il ne sert même plus une cause, il est dans le combat pour le combat.

J'(ab)use aussi du syndrome Thimoty Zahn : les héros ont tendance à se retrouver tous au bon moment (ou mauvais, comme on l'entend) au même endroit grâce au hasard et aux coïncidences (je pense notamment à la deuxième bataille de Tirana quand les fuyards suivant Gabriel Stan retrouvent tout le Bataillon Furie venu officieusement récupérer le carnet). Mais en même temps, c'est une fiction, et une fiction sans heureux hasard, ça peut vite devenir chiant. J'ai donc décidé de forcer parfois les coups de bols, mais j'assume parce que ça me permet d'aller vite et efficacement sur des points qui seraient desservis par une longue et lourde explication rationnelle sur le pourquoi du comment tout arrive comme il faut. Hé ho, la chance, aux dernières nouvelles, ça existe encore !

Autre syndrome qui peut passer pour un cliché : l'armée russe est inépuisable. C'est en tout cas l'idée que l'on peut s'en faire en lisant les trois tomes, elle déferle littéralement et rien ne semble pouvoir l'arrêter. C'est en fait une exagération du vieux mythe de l'armée russe imbattable et à effectif illimité, grandement entretenu par la victoire en 45. Cela dit, en 45, l'armée rouge était exsangue, et il en va de même dans PaxEU. L'illusion est maintenue car on voit la guerre du point de vue européen, le point de vue qui voit des Miest de tous les côtés, des chars, des flots d'hommes... Dans le texte "Honneur et Patrie", le point de vue russo-asiatique nous apprend qu'en réalité, derrière les premières lignes, la Russie Indépendante n'a... rien d'autre ! La tactique bourrine russe est un énorme coup de bluff qui va éclater lors de sa capitulation officielle après Lunaris. Les Européens se rendent alors compte qu'une simple brèche dans le front russe leur aurait éventé la réalité et qu'ils ont reculé devant une façade. Cet état de fait ne se fera cependant qu'après les Bombardements nucléo-kalanique, donc dans le tome 4.

Alors la grande question est de savoir si ces éléments "classiques" passent ou ne passent pas... Ça, c'est à vous de voir !